La première chimio – Côté Fille

Chimiothérapie est un mot que je connaissais. Mais à vrai dire, je n’avais aucune idée de comment se déroulait une séance, ni même qu’il était question de produit injecté. Dans mon esprit encore d’enfant, je m’imaginais une salle avec peut être des rayons, ou des trucs un peu fous comme dans les films avec trop d’effets spéciaux.
En fait je n’y réfléchissais pas trop.

La chose dont j’étais sûre, et qui me hantait, c’était que ma mère allait perdre ses cheveux. A ce moment là, je ne réfléchissais pas tellement au long terme, et le fait que l’image de ma mère allait changer était une chose qui me perturbait. Beaucoup. Ma mère a toujours eu les cheveux assez courts, mais elle est passée par tous les styles ; je me souviens encore rigoler en voyant les diverses couleurs, permanentes et coupes qu’elle a testées tout au long des années, immortalisées dans mes albums photos d’enfance. Et ma mère était belle avec ses cheveux. Et oui, j’avais peur de ce à quoi elle allait ressembler sans.

Avant d’attaquer la chimiothérapie, il a fallu installer la CIP, c’est à dire un cathéter sous la peau. Pour tout vous dire je n’avais aucune idée de comment ça s’écrivait avant de me lancer dans ce chapitre et donc me renseigner, et découvrir que c’était en fait les initiales d’un mot plus compliqué, « Chambre Implantable Percutanée ».
Pour résumer, on installe un boitier avec une chambre souple, sous la peau, relié à une veine importante, qui servira à poser la perfusion pendant les séances. Une espèce de prise à perf. En résumé, ta mère devient un cyborg, avec son implant sous cutané. Un peu comme les gens qui se font mettre des piercings sous la peau.

Je sais que cette première étape a été dure à vivre pour ma mère ; d’une part car ça y est, le début des traitements arrivaient, mais aussi car elle commençait à voir son corps être mutilé. Sa CIP était installée au dessus de son sein droit, et elle était triste car cela se voyait lorsqu’elle était en tee shirt. Ca lui aurait coûté quoi au médecin de décaler la pose de quelques centimètres, histoire que ce soit caché sous les vêtements, même avec des petits décolletés ? Est-ce que ces médecins se rendent comptent de l’impact que peuvent avoir ce genre de détail par la suite dans la vie des malades ?

Je n’ai pas accompagné ma mère à sa première chimio. Je ne sais plus si c’est parce qu’elle ne voulait pas, ou si c’est parce qu’elle n’avait pas le droit à des accompagnants pour des raisons d’asepsie. Je crois me souvenir que c’était un weekend, et que je n’avais rien fait, rivée sur mon téléphone à attendre qu’elle m’appelle pour me dire comment elle allait, et comment cela s’était déroulé.
Le cap de la première chimio était passé. Ma mère allait pouvoir rentrer chez elle pour ses 3 semaines de « repos » avant la prochaine séance.

Une dizaine de jours plus tard, elle m’appelle à la sortie de mes cours. Elle a commencé à perdre ses cheveux. Nous sommes le 22 Janvier 2007, et je sais au fond de moi que je ne reverrai plus jamais ma maman « comme avant ».

La seconde séance approche, et ma mère et son compagnon reviennent sur Bordeaux. J’appréhende nos retrouvailles.

Et soudain, ma mère est chauve. Et semble si malade. Comme si je ne m’en étais pas vraiment rendue compte avant ce détail physique particulier, comme si jusqu’à avant, même si je savais qu’elle était malade, ça ne se voyait pas.

C’est comme si le cancer me mettait une gifle pour me remettre dans la réalité. Et si elle ne s’en sortait pas ?

***

agathe

3 Comments

  • Aurelie

    « Et si elle ne s’en sortait pas.. » …. La question que l’on se pose sans cesse, jusqu’au bout…
    J’ai eu la « chance » de ne pas avoir a vivre la chimio de ma mère car ils avaient opté pour l’ablation totale… autre traumatisme….

  • tetelle

    J attendais avec impatience votre deuxieme chapitre et tout comme la premiere fois vos mots me touchent  » même si je savais qu’elle était malade, ça ne se voyait pas « ce sont exactement les mots que je me suis dit il y a quelques jours en regardant ma maman. Merci de mettre des mots sur ce que je vis et ressens au même rythme que vos chapitres et sur ce qui me vole un peu chaque jour ma mère mais la fin s annonce heureuse et surtout victorieuse alors je n ai qu une hâte lire vos prochains chapitres !!!

  • Lucie

    Ma maman m’a annoncé il y a deux semaines qu’elle était atteinte d’un cancer du sein. J’ai le même ressenti que toi, et j’appréhende le moment où elle va perdre ses cheveux a cause de la chimio … J’attend donc la suite des chapitres, mais en attendant, ces deux parties m’aident déjà.

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