Apprendre la nouvelle – Côté Fille

Septembre 2006. Le bac fraîchement en poche, je rentre dans ma nouvelle école, où je compte faire des études pour devenir graphiste. J’y rencontre même le garçon qui partage encore ma vie aujourd’hui.
Rien ne semblait pouvoir entacher mon bonheur.

Ma mère a été plusieurs fois malade. Des petites tumeurs bénignes qui l’obligeaient à se faire opérer. Mais j’étais bien plus jeune, et même si je savais que ma maman avait un problème, ça ne durait pas longtemps avant qu’elle soit de nouveau sur pied. Elle avait d’ailleurs l’habitude de ne me dire ce qui n’allait pas qu’au tout dernier moment, pour que je m’inquiète le moins possible. Et cette fois-ci n’échappa pas à la règle.

Je ne me souviens plus exactement comment elle me l’a annoncé. Ni même si elle avait choisi un moment spécial, ou si elle l’a placé en plein milieu d’une conversation anodine – je pense que mon inconscient a préféré occulter ce souvenir. Quoi qu’il en soit, quelque part entre septembre et octobre, elle m’a annoncé que quelque chose n’allait pas, une tumeur au niveau du sein gauche, mais qu’il fallait attendre la biopsie pour en savoir plus, et qu’elle allait donc devoir se faire opérer. Elle m’avait également parlé d’une histoire de chaîne ganglionnaire, mais qu’elle préférait tenter le coup en n’enlevant que le premier ganglion, dans l’espoir que les autres ne soient pas infectés, et que le cancer ne soit donc pas trop installé.

Et puis la première opération est passée, mais les résultats n’étant pas bons, elle a dû y retourner pour faire enlever toute la chaîne ganglionnaire. A ce moment là, je savais au fond de moi que c’était foutu, qu’elle n’allait plus rentrer chez elle en bonne santé et passer à autre chose. Un peu comme si la machine était déjà en marche.

Les hôpitaux sont toujours froids et tristes, ce qui est juste hallucinant étant donné que le fait d’aller à l’hôpital est en soi déjà triste. Il devrait y avoir des couleurs, peut être même des guirlandes ou des fanions (j’adore les fanions). Mais non, rien de tout ça ici. Je me souviens de cette chambre aux murs fades, et au milieu ma mère, dans son pyjama rouge (qu’elle avait aussi en bleu) avec tous ces tubes qui lui sortaient du flanc. J’avais beau me prendre pour une grande maintenant que j’avais 18 ans, dans cette pièce j’étais une toute petite fille ne sachant pas quoi faire. Les traitements n’avaient même pas commencé, et pourtant j’étais déjà terrifiée.

Et puis les tubes sont partis, ma mère est rentrée et nous n’avions plus qu’à attendre. Attendre ces fichus résultats.

Je me souviens très bien du jour où elle devait avoir ses résultats, c’était un vendredi, et le soir il y avait un concert de Birdy Nam Nam. Je m’en souviens parce que j’avais dit à mes copains, « si les résultats sont bons je viens avec vous ! ».
Mais je n’ai jamais été à ce concert.

Cancer du sein. Ca y est c’est dit, le mot si terrible est étiqueté sur ma mère. Il va falloir de la chimiothérapie, puis de la radiothérapie, et enfin de l’hormonothérapie. Tout plein de thérapies quoi. Le monde s’écroule sous mes pieds, et pourtant tout cela semble irréel pour l’instant.

Je voudrais lui poser un tas de questions, mais je ne veux pas en rajouter, la nouvelle doit déjà être assez lourde à encaisser de son côté. Je voudrais demander à d’autres gens, mais personne de mon entourage n’a connu cette situation. Pourquoi elle est malade ? Etait-ce écrit dans ses gènes ? Ou est-ce qu’on l’attrape comme on attrape la grippe ? Est-ce qu’on s’en sort vraiment ?

La première chimio se déroulera en janvier. Les fêtes de fin d’année s’annoncent moroses. Mais par dessus tout, je redoute le moment où ma maman ne sera plus la même.

***

agathe

6 Comments

  • Vincent ARMANT

    Très touchant. Je ne savais pas tout ça chère voisine ! Tu as dû passer de très mauvais moment. C’est vraiment super que tout ça soit derrière vous, et c’est super d’avoir fait cette page !

  • Luxe & Vintage

    Merci pour ce très beau témoignage :)
    Ma mère aussi avait eu avant quelques soucis de santé, notamment une tumeur bénigne qui lui avait été retirée. Quand nous sommes partis en australie fin 2010, à chaque fois que je l’avais au téléphone, je sentais bien que quelque chose n’allait pas mais elle ne me disait rien… Pareil que la tienne, elle m’a sorti tout ça au dernier moment. Pour me protéger aussi. Même si après il faut de toute façon affronter la machine comme tu l’as si bien évoqué. Je ne lui posais pas souvent de questions, aujourd’hui encore, car je ne voulais pas une fois de plus qu’elle ressasse ça avec moi. Effectivement, les transformations physiques qui suivent sont très dures moralement à surmonter…

    • admin

      Nos mère nous protègent toujours !
      Avant que nous écrivions l’histoire chacune de notre côté, chacune de notre côté nous ignorions certains sentiments que l’autre traversait ; et finalement, ça nous fait du bien de les évoquer maintenant.
      En tout cas courage à vous deux :)

  • juliana

    et bien moi je suis une maman qui ai vecu ça mais c etait ma fille la malade .l horreur mais ne rien laisser transparaitre ne suis pas sa mere et c est a moi de la proteger .il y a 3 ans .heureuse que pour vous la remission soit bien fini nous on croise toujours les doigts mais j ai une fille merveilleuse .

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