1 chimio, 2 chimios, 3 chimios… – Côté Mère

Après le choc terrible (et l’adjectif n’est pas encore assez fort) de la perte de mes cheveux, il fallait que je me conditionne psychologiquement.
Je ne connais pas cette personne que le miroir me renvoie, crâne lisse, sans cils ni sourcils. C’est très difficile.

De plus, la 2ème séance de chimio arrive : l’hôpital, le bilan sanguin, moi qui n’aimais pas les prises de sang, j’ai été forcée à m’y habituer ; c’est ce fameux bilan qui autorise ou non la séance. Il y a aussi ce produit protégé par une poche, enveloppée dans de l’aluminium (pour empêcher le moindre contact avec le soleil), qui coule dans cet espèce de boîtier horrible et douloureux dans ma chair, que je rejette totalement alors qu’il est là pour permettre de me soigner sans complètement détruire mes veines. Mais c’est plus facile à dire avec le recul.

Je porte une casquette et décide de me rendre avec ma fille, sur rendez-vous, à Bordeaux, chez un coiffeur/perruquier spécialisé pour les personnes atteintes de cancer.
J’essaie deux ou trois modèles supposés ressembler à moi auparavant, mais je ne parviens pas à me décider.
Nous sommes un peu « paumées », ma fille et moi, le désarroi se lit dans nos regards sans se parler, je vois bien qu’elle prend beaucoup sur elle pour donner le change, nous partageons tellement de choses depuis qu’elle est née, mais là…. Je suis dans le rejet total du cancer, alors que j’ai pourtant tout de suite mis un nom à cette maladie, pour la dédramatiser. Elle est perdue, tant la peur de me perdre est grande, après la mort récente de son grand-père maternel d’un cancer mais aussi sa marraine, d’un cancer du sein, partie bien trop jeune. Cette maladie est rattachée à la mort, et pour elle, et pour moi.

Nous ressortons, sans que je n’ai pu porté aucun choix sur les modèles présentés, patiemment et gentiment par la vendeuse spécialisée : changer de tête, passer de cheveux courts à longs, ne me dit rien, mais rester au court et dans ma teinte non plus ; je n’ai aucune envie de fantaisie, ni de quoi que ce soit d’ailleurs.

Mon compagnon revient me chercher à Bordeaux et nous repartons dans notre havre de paix, le Pays Basque.
Je suis attristée car je laisse ainsi ma fille avec ses incertitudes et l’image de ne plus être la maman qu’elle connaît.
Je n’ai fait que 2 séances, mais je suis « sonnée » comme un boxeur sur le ring, sous le coup d’un uppercut.
J’étais déjà fragile suite à la mort de mon père, un an auparavant mais le cancer, les opérations successives et les traitements, ont achevés de détruire le puzzle qui constituait mon corps et ma tête. Les pièces sont complètement éparpillées et il va falloir tout rassembler pour me reconstruire.

Je décide tout de même d’appeler la coiffeuse à domicile, qui m’avait rasé la tête, pour tenter de trouver une perruque. Je finis par en essayer une et la prendre, sans grande conviction.
Après la perte des cheveux, je n’ai pas cessé de voir mon corps se modifier. Je deviens fatiguée pour un rien, vit au grand ralenti, je n’ai goût à rien, j’ai même des problèmes gastriques qui se dissiperont, heureusement, sur conseil d’un pharmacien, grâce aux probiotiques, très efficaces à ce niveau-là.
Je n’ai qu’une envie, rentrer dans une coquille et ne plus en sortir pendant la durée des traitements.

J’ai beaucoup de chance dans mon malheur, car je suis très entourée, par ma famille, mes amis chers et surtout mon compagnon, qui veille sur moi 24h/24. Il est ma force et mon moral, et surtout m’aime telle que je suis. Il me dit que je suis belle, me pousse à prendre l’air dès qu’il fait beau, me fait marcher avec lui à mon rythme, me force à voir un peu l’extérieur, alors que je ne pense qu’à dormir, la maladie m’ayant entraîné dans la dépression. Il m’oblige aussi à manger pour reprendre des forces, alors que j’ai perdu le goût des aliments.

Les séances de chimio se succèdent. Ma vue baisse énormément, de près, comme de loin, je dois porter à présent des lunettes avec verres progressifs. Je dors mal, j’ai des bouffées de chaleur terribles surtout la nuit, le traitement accélérant l’arrivée de la ménopause (6 mois au lieu de 5 ans). J’ai tout un tas d’allergies corporelles, et ma libido est proche du néant.

Ce traitement, censé me guérir, est en train de me détruire physiquement, mais aussi de l’intérieur. J’ai l’impression d’un coup d’avoir plus de 90 ans tant mes muscles sont amoindris, la plus grosse « claque » physique étant survenue après la 3ème chimio.

Le parcours du combattant se poursuit et il va être long, long….
Je n’ai pas le droit d’être malade, ni fiévreuse, la moindre baisse de globules blancs ou rouges m’empêchant d’effectuer la séance programmée.

Finalement, je ne porte que très peu la perruque : je ne me sens jamais à l’aise avec, et j’ai l’impression d’être encore plus malade, la perruque nous rendant « reconnaissables », nous les personnes, en particulier les femmes, atteintes du cancer.
Les regards se veulent bienveillants, en général, sans curiosité malsaine ou regards insistants. Je préfère les casquettes gavroches ou les foulards, suivant le temps, car la tête a plus souvent froid et les cheveux sont très protecteurs, ce dont on se rend compte surtout quand on ne les a plus !

Les séances de chimiothérapie avançant, je me rapproche aussi de la fin de ce premier lourd traitement. Je pense aussi à quand je vais pouvoir me faire enlever la CIP qui m’est insupportable, à la fois physiquement et psychologiquement. Le corps médical m’a toutefois rabâché que je dois la conserver, bien au-delà des chimios pour les risques de récidive, au cas où j’aurais oublié cette « foutue » épée de Damoclès au-dessus de la tête.
Alors que ma tête commence à sortir un peu de l’eau, ce manque de tact me fait couler à nouveau. Malgré une extrême fatigue, j’en ai ASSEZ des protocoles absolus, de la science exacte sans étudier ni considérer chaque malade comme un cas particulier.
Certains médecins oublient la psychologie du malade : nous sommes des êtres humains et non des numéros de dossier !

Pour moi, il n’en est pas question : c’est MON corps et MA vie !

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marie-christine

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